A propos du taux annuel effectif global, de la déchéance du droit aux intérêts et de l’Article R311-3 du Code de la consommation

BANQUE ET CRÉDIT A LA CONSOMMATION

A PROPOS DU TAUX ANNUEL EFFECTIF GLOBAL, DE LA DECHEANCE DU DROIT AUX INTÉRÊTS ET DE L’ARTICLE R311-3 DU CODE DE LA CONSOMMATION

Arrêt rendu par la Cour d’Appel de Reims, 1ère Chambre Section Instance du 5 novembre 2019

Dans le cadre d’un prêt de consommation accordé par la société COFIDIS, le contrat prévoyait les remboursements du capital selon 120 mensualités à un taux débiteur fixe.

Ce contrat avait pour objet le regroupement de différents crédits.

Face à la défaillance de l’emprunteur, la banque avait donné assignation pour obtenir le règlement des sommes dues et dans sa décision du 6 novembre 2018, le Tribunal d’Instance de Chalons en Champagne prononce la déchéance du droit aux intérêts au motif que la fiche d’information précontractuelle ne serait pas conforme aux dispositions de l’article R311-3 du Code de la Consommation.

Le tribunal a relevé que « s’agissant du taux annuel effectif global (TAEG) qu’il résulte de ces dispositions réglementaires et de ses annexes que la fiche doit définir le taux annuel effectif global en ce qu’il s’agit du coût total exprimé en pourcentage annuel du montant du crédit et préciser qu’il permet de comparer différentes offres ».

Le tribunal retient que la fiche d’information précontractuelle doit fournir un exemple représentatif qui mentionne toutes les hypothèses utilisées pour calculer ce taux.

En l’espèce la fiche indique le TAEG à 8,86 % et rappelle qu’il s’agit du coût total exprimé en pourcentage annuel du montant total du crédit et qu’il permet de comparer différentes offres.

Le tribunal estime que ce document est insuffisant puisqu’il n’est fourni aucun exemple aux emprunteurs de sorte que d’après lui les dispositions du Code de la Consommation n’ont pas été respectées et prononce en conséquence la déchéance du droit aux intérêts.

En l’espèce, la banque a fait valoir que s’agissant d’un prêt un taux fixe, les dispositions légales n’imposaient pas à l’emprunteur de fournir d’autres exemples que le coût effectif du crédit consenti et que cette information avait seulement pour objectif de permettre à l’emprunteur de faire des démarches pour comparer lui-même les offres.

Ainsi, il était soutenu par la banque que la fiche d’information précontractuelle donnait avec précision le taux effectif global de l’offre de prêt que l’emprunteur entendait souscrire et que muni de ces informations, il avait en conséquence tout loisir d’aller comparer les offres auprès d’autres organismes.

Il était rappelé que la banque n’avait pas elle-même à effectuer d’autres simulations ni à produire d’autres exemples.

La banque invoquait notamment un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Lyon le 2 août 2018, RG : 17/06012, qui avait rappelé notamment :

« qu’il est irréaliste de concevoir que le préteur soit tenu de se livrer à des simulations de calcul du taux effectif global (devenu taux annuel effectif global) sur d’autres bases que celles intéressant directement l’emprunteur, telles que par exemple un montant ou une durée de crédit différents, dès lors que le présent prêt contient aucune variable susceptible de faire évoluer le TEG durant la vie du contrat, qui pourrait légitimer de tels calculs »

« que dès lors la déchéance du droit aux intérêts prévue aux dispositions de l’article L311-48 du code de la consommation n’a pas lieu d’être prononcée.

De même la Cour d’Appel de PARIS dans une décision du 13 octobre 2006, RG : 15/01696, avait déjà rappelé : 

« L’organisme prêteur produit la fiche d’information contractuelle annexée à l’offre de crédit. La fiche mentionne le taux annuel effectif global fixe de 3,71 % et s’agissant d’un prêt personnel à taux fixe et à période d’amortissement fixe, la mention d’exemple représentatif mentionnant toutes les hypothèses utilisées pour le calcul de ce taux est sans objet, ce taux n’étant pas susceptible d’évoluer. »

C’est dans ces conditions que la Cour d’Appel de Reims a, par sa décision, considéré que l’article R311-3 du Code de la Consommation applicable aux contrats litigieux précisait que la fiche d’information précontractuelle devait, sauf en cas de location avec option d’achat, indiquer le taux annuel effectif global à l’aide d’un exemple représentatif mentionnant toutes les hypothèses utilisées pour le calcul de ce taux.

Cependant, la Cour relève que la fiche d’information précontractuelle de l’organisme prêteur précisait que le TAEG s’établissait à 8,86 % et que s’agissant d’un prêt personnel à taux fixe, et à période d’amortissement fixe, l’exigence d’un exemple représentatif mentionnant toutes les hypothèses utilisées pour le calcul de ce taux était sans objet, ce taux n’étant pas susceptible d’évoluer.

Ainsi, la Cour estime que la déchéance du droit aux intérêts n’est pas encourue pour ce motif et infirme la décision de première instance.

Il est important de souligner que les exigences de l’article R311-3 du Code de la Consommation ne doivent pas être interprétées comme faisant obligation à la banque de mentionner un exemple représentatif mentionnant toutes les hypothèses utilisées pour le calcul de ce taux s’il s’agit d’un taux fixe non susceptible de variation.

En conséquence, le tribunal avait fait une application manifestement extensive de ces dispositions à un contrat à taux fixe qui n’avait pas lieu de mentionner des hypothèses de variation de taux puisque celui-ci n’avait pas vocation à évoluer.

En conclusion, s’agissant d’un prêt à taux fixe amortissable, la banque n’avait donc pas à faire figurer d’autres hypothèses de calcul d’un taux non évolutif. 

C’est ce que rappelle pertinemment l’arrêt rapporté.

Reims, le 20 novembre 2019

 

Patrick DEROWSKI

 

Référence :

Jugement rendu par le Tribunal d’Instance de Châlons en Champagne en date du 6 novembre 2018 COFIDIS c/ X et Y

Arrêt rendu par la Cour d’Appel de Reims, 1ère Chambre Section Instance en date du 5 novembre 2019 COFIDIS c/ X et Y